Portrait de chercheur
Le mariage du génie et de la musique
Caroline Traube
FACULTÉ DE MUSIQUE
Directrice du Laboratoire informatique, acoustique et musique
Chercheuse au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son et au Centre interdisciplinaire de recherche en musique, médias et technologie
Issue d’une famille de musiciens, Caroline Traube, qui habitait dans une maison où trônait un piano à queue, a commencé l’étude de la musique très jeune. Ses talents pour la science l’ont cependant incitée à suivre le chemin de l’ingénierie plutôt que celui du Conservatoire. « La musique m’a très vite manqué, ce qui a eu pour effet de déterminer mon orientation: j’ai opté pour le génie électrique. » Si cette discipline peut sembler éloignée de ses passions musicales, Caroline Traube était pourtant sûre de ce qu’elle faisait. « Le domaine des télécommunications était en plein essor et je savais que tout ce qui se rapportait au traitement de la voix, à la synthèse et à la reconnaissance vocales me rapprocherait de la musique. »
Après des études de doctorat en informatique musicale à l’Université Stanford, elle accepte un poste que lui offre la Faculté de musique de l’Université de Montréal et qui lui semble taillé sur mesure. « J’ai pu terminer mon doctorat tout en donnant des cours à des étudiants en interprétation. Je me suis alors rendu compte du décalage entre les questions de recherche des scientifiques en acoustique musicale et les questions que se posent les interprètes! Ma thèse a pris un certain virage et a fini par être influencée par mon contact avec les musiciens. »
Caroline Traube tente d’appréhender le timbre instrumental tant du point de vue acoustique que du point de vue de l’interprète. En utilisant le paradigme de la phonétique, elle s’intéresse au timbre des instruments de musique et aux relations entre les caractéristiques physiques de l'instrument, le geste instrumental et les attributs perceptifs des sons instrumentaux. « Je pense que la particularité de mon travail vient du fait que je fais de la recherche pour les interprètes, mais aussi avec les interprètes. J’élabore plusieurs projets en collaboration avec eux : ils ne sont pas que des objets d’étude, la recherche tente de répondre à des questions qu’eux-mêmes se posent.. »
Son milieu de travail idéal serait réellement hybride et interdisciplinaire. « Il me faut ce partage entre la technologie, l’informatique musicale et l’acoustique. J’étais malheureuse sans musique, mais je n’aurais pas pu vivre sans sciences non plus! C’est dans les deux domaines que je trouve mon équilibre. »
Vous êtes-vous bien adaptée au Québec?
Je ne connaissais absolument pas le Québec à mon arrivée à Montréal. Quand j’ai quitté la Belgique pour la Californie, j’ai sans contredit subi un choc culturel. Mais mon adaptation à Montréal a été instantanée. J’y retrouvais le monde francophone qui me manquait et je conservais tout ce que j’avais appris à aimer de l’Amérique du Nord. Tout un cliché, qui est pourtant vrai!
Comment réagissent les étudiants en musique à votre approche scientifique?
Je sens de la part des étudiants en musique un intérêt grandissant pour la recherche scientifique. Je suis amenée à codiriger des étudiants en interprétation qui font des travaux assez poussés en biomécanique ou encore en analyse du timbre instrumental. Dans le monde du sport par exemple, on ne peut pas imaginer un sportif de haut niveau qui ne posséderait pas de connaissances en physiologie. Je crois qu’on s’en va dans cette direction dans le domaine musical, avec une meilleure connaissance concrète du son.
Et la conciliation recherche-famille?
J’ai deux jeunes garçons avec qui j’aimerais évidemment passer plus de temps, mais je pense vraiment que le Québec a les meilleurs hommes du monde! Mon conjoint est très présent à la maison et auprès des enfants, ce qui est essentiel.