Portrait de chercheur
Insécurité alimentaire : il y a urgence!
Malek Batal
FACULTÉ DE MÉDECINE - DÉPARTEMENT DE NUTRITION
Professeur titulaire à la Faculté de médecine ‒ Département de nutrition
Professeur accrédité à l'École de santé publique ‒ Département de médecine sociale et préventive
Né au Liban, Malek Batal est arrivé au Canada en 1993 avec en poche un baccalauréat en nutrition humaine et diététique et une maîtrise en sciences des aliments de l’Université américaine de Beyrouth. Comme c'est souvent le cas pour bien des immigrants reçus, faire reconnaître ses diplômes n’a pas été une sinécure. Pourtant, trois ans plus tard, le doctorant en nutrition humaine de l’Université McGill célébrait son 30e anniversaire dans un bar de Yellowknife.
« Au début, c’était très dépaysant de se retrouver au bout du monde à étudier l’alimentation traditionnelle des peuples autochtones du Yukon et du Denendeh, dans les Territoires du Nord-Ouest. Mais j’aime découvrir les cultures et je suis sensible aux questions de justice sociale et de politique », raconte-t-il. Ces années passées à sillonner ces vastes contrées – où il a eu deux accidents de voiture – ont fait de lui non seulement un amoureux de ce « bout du monde », mais une autorité dans les défis alimentaires des Premières Nations, entre les pratiques ancestrales et les sirènes de la modernité.
Ses connaissances l’ont mené aux antipodes de Yellowknife, jusqu’en Équateur, en Haïti, en Afrique, en Belgique. Depuis 2014, Malek Batal assume la direction de TRANSNUT, le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé sur la transition nutritionnelle et le développement. « Les changements rapides dans le régime alimentaire des pays en développement font augmenter les cas d’obésité et de diabète, et propagent ce qu’on appelle les fardeaux multiples de la malnutrition : anémie, carences en vitamine A, retard de croissance chez les enfants… », dit-il. Et depuis l’année 2020, Malek Batal est directeur de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé.
Vous sonnez l’alarme face à une augmentation de l’insécurité alimentaire.
J’ai pris conscience de cela en participant à une vaste étude menée sur 10 ans, de 2008 à 2018, dans 92 communautés des Premières Nations. Il a été établi que la moitié des ménages souffre d’insécurité alimentaire, beaucoup plus que dans la population canadienne en général. L’insécurité alimentaire est devenue un enjeu planétaire, née de la mondialisation, de l’industrialisation et du dumping*. Je trouve cela très inquiétant pour tous les pays qui dépendent de l’importation pour se nourrir. Une situation aggravée par les années de pandémie et qui ne peut qu’empirer avec les changements climatiques.
* Dumping : pratique commerciale qui consiste à vendre une marchandise sur un marché étranger à un prix inférieur à celui pratiqué sur le marché intérieur, parfois même au-dessous du prix de revient (Larousse).
Personnellement, êtes-vous très strict sur ce que vous mangez?
Je suis très strict sur le goût. Je n’aime pas les aliments transformés, manipulés, qui s’éloignent des « vrais » aliments. Un grand problème de société. L’alimentation contribue à la destruction de l’écosystème et aussi du territoire agricole. Au Québec notamment, avec les champs à perte de vue de maïs et de soya pour nourrir les bêtes ou pour l’exportation, au détriment de l’agriculture familiale et du maintien d’un territoire rural intéressant.
On peut suivre les travaux de Malek Batal en consultant les articles et la revue de presse qui paraissent sur UdeMNouvelles.