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Université de Montréal

Communications

Les martyres de l’éducation

Le :

À l’heure où j’écris ces lignes, on ne connaît toujours pas le sort des quelque 200 élèves nigérianes kidnappées par le groupe islamiste armé Boko Haram. L’enlèvement s’est fait il y a un mois pendant les heures de classe, dans un village du nord du Nigéria, par une bande d’illuminés qui menacent de vendre les jeunes femmes comme esclaves.

À chaque nouveau scrutin, on nous rappelle avec raison que la démocratie ne doit pas être tenue pour acquise, qu’elle est une lutte toujours recommencée. De même, les événements nigérians servent au monde entier un terrible avertissement : l’éducation peut être contestée, et ses valeurs, bafouées.

Boko Haram : le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché ». Le groupe marque son opposition au modèle éducatif occidental, et en particulier, à l’accès des femmes à l’éducation. Il n’en fallait pas davantage pour que certains fassent un mauvais procès à l’islam. C’est oublier que le groupe nigérian s’appuie sur une interprétation singulièrement obtuse du coran. Il n’y a qu’à se promener sur notre campus pour voir que l’éducation et la religion musulmane sont solubles l’une dans l’autre.

C’est aussi oublier que l’accès des femmes à l’éducation est chose relativement récente, même dans nos sociétés. Il y a 103 ans – autant dire hier, l’Université de Montréal décernait pour la première fois un diplôme à une femme. Marie Gérin-Lajoie obtenait un baccalauréat ès arts et devenait du même coup la première bachelière canadienne-française, suivie bientôt par Flora Abergson, première femme à obtenir un diplôme aux cycles supérieurs, et par Marthe Pelland, première diplômée de la Faculté de médecine.

L’éducation a eu ses héroïnes. Elle a maintenant ses martyres. L’immense vague d’émotion internationale suscitée par l’enlèvement des jeunes nigérianes témoigne d’une foi très largement partagée dans le pouvoir émancipateur de la connaissance. Il y a des causes communes qui transcendent les divisions : l’éducation fait partie de celles-là.

Devant le geste obscurantiste de Boko Haram, nous sommes aujourd’hui tous des pères et des mères qui lancent, hashtag à la clé, cet appel désespéré : Ramenez-nous nos filles.