Alexandre Boisvert
Créer des lieux inclusifs
Alexandre Boisvert
(il, elle, iel)
Personne étudiante à la maîtrise en aménagement, option Théories en design
Faculté de l’aménagement
J’ai fait un bac en design graphique à l’UQAM et j’ai travaillé pendant une dizaine d’années en agence. Ce n’était pas pour moi, même si le design est une discipline que j’aime beaucoup. L’enseignement m’a toujours intéressé·e. J’ai donc regardé les maîtrises et j’ai vu qu’il y avait à l’UdeM le thème « Diversité sexuelle et pluralité des genres dans l’environnement bâti », sous la direction d’Olivier Vallerand. C’était deux stimulus très forts pour m’inscrire à ce programme!
Ces dernières années, en affirmant mon identité queer, j’ai réalisé que je faisais du refoulement. Lorsque je cherchais un emploi, je me demandais comment j’allais me présenter. Je négociais avec moi-même pour entrer dans certains lieux et je ressentais de l’insécurité. Lorsque j’ai été prêt·e à m’affirmer dans toutes les sphères de ma vie, certaines personnes n’ont pas su comment réagir devant ce changement. Je me sentais exclu·e de certaines discussions et inclus·e dans d’autres, et c’était la même chose pour les lieux. Certains se sont ouverts et d’autres m’ont semblé moins accessibles.
Je m’intéresse au rapport entre les lieux queers festifs et la notion d’inclusion ou d’exclusion. Dernièrement, j’ai présenté une brève chronologie des lieux queers au CRI-JaDE [colloque étudiant « Regard croisé sur l’inclusion » du Centre de recherche interdisciplinaire sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et l’équité]. Historiquement, les bars et endroits de divertissement ont joué un rôle important pour cette communauté. Leur aménagement a permis l’émergence de mouvements, une socialisation propre aux besoins et désirs queers, en plus d’influencer les codes sociaux et culturels. En revanche, ces environnements ont aussi dû composer avec des enjeux d’exclusion basés sur le genre, le sexe ou les racines, comme celles des personnes trans de couleur, qui ont dû créer leurs propres lieux. Aujourd’hui, différentes pratiques d’aménagement queer existent et je souhaite rassembler ces savoirs. Il y a très peu de littérature francophone sur ce sujet et je trouvais important de faire un bref retour sur l’histoire de ces lieux et l’importance qu’ils ont eue dans les combats féministes et queers.
Je suis une personne queer non binaire et blanche qui a plusieurs privilèges et je ne peux parler qu’en mon nom. Par contre, les lieux d’éducation pourraient certainement être plus accueillants, accessibles ‒ socialement, économiquement et physiquement ‒ et sécuritaires envers les personnes trans et non binaires, qui sont victimes de nombreuses attaques, qu’il s’agisse de leurs droits ou de leur intégrité physique. Un campus a le potentiel d’être un endroit sécurisant et de constituer une communauté permettant le développement personnel des individus marginalisés. Je crois que l’inclusion peut aussi passer par le corps enseignant et les matières enseignées. Dans mon cas, je ne me serais pas inscrit·e à l’UdeM si Olivier Vallerand n’y enseignait pas. Sans lui, le thème sur lequel portent mes recherches n’existerait probablement pas. Pour une personne queer, les milieux institutionnels peuvent être intimidants. C’est rassurant de pouvoir compter sur un professeur qui a un doctorat en architecture queer et qui est lui-même issu de la communauté LGBTQIA2S+.
En tant que société, on devrait s’interroger sur ce qui dicte nos lieux. L’aménagement d’un endroit encourage certains gestes, attitudes et comportements. En pensant à d’autres façons de vivre et d’habiter l’espace, on peut trouver des manières de mieux cohabiter. Les activistes queers créent des lieux qui remettent en question les normes de nos sociétés et favorisent l’autonomie de chaque personne. Il faut comprendre l’inclusion d’un lieu non seulement par son accessibilité, mais aussi par la façon dont les personnes y sont accueillies et invitées et la façon dont elles interagissent entre elles.