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Université de Montréal

Céleste Trianon

Ce sont les injustices sociales à l’égard des communautés marginalisées qui m’ont poussée à faire des études de droit. Autrement, je n’aurais pas été naturellement attirée par ce domaine. Je ne pense pas que je pourrais faire autre chose. C’est une lutte de longue haleine et sans doute le travail de toute une vie.

Quelle contribution souhaitez-vous apporter grâce à vos études?

J’aimerais rendre la justice plus accessible aux personnes qui en ont le plus besoin, notamment celles de la communauté trans et non binaire. En ce moment, il y a un vide juridique quasi total et peu de services pour ces personnes. Je vois comment cette forme de discrimination institutionnalisée nuit à leur bien-être. C’est une injustice qui m’affecte moi-même. J’aimerais combler ce manque dans les prochaines années. J’ai fondé ma propre clinique juridique, l’organisme Juritrans, et j’offre déjà un service d’aide à la transition légale pour leur permettre de changer le nom et la mention de sexe inscrits sur leurs pièces d’identité et leur certificat de naissance afin que ces renseignements concordent avec leur identité de genre. Au cours des deux dernières années, j’ai pu aider plus de 800 personnes. C’est un travail qui a une incidence énorme sur leur vie. J’explore également la possibilité d’offrir d’autres services, comme l’aide aux personnes trans et non binaires victimes d’actes criminels, haineux ou discriminatoires.

Quel est votre engagement envers la communauté 2SLGBTQIA+?

En plus de ma clinique juridique, je participe à beaucoup d’évènements communautaires, que ce soit des manifestations, des assemblées publiques ou des rallyes. J’ai eu le privilège de gagner plusieurs prix pour mon engagement, notamment une bourse Forces Avenir. J’ai pu jouer un rôle central dans l’organisation des éditions 2022 et 2023 de la Marche trans de Montréal et ce sera probablement le cas cette année encore. J’ai aussi coordonné une réponse nationale aux rassemblements anti-trans du 20 septembre dernier, dont une contre-manifestation pour protéger la communauté de Montréal. C’était un travail intense et je l’ai pris à cœur parce que le bien-être des personnes autour de moi était en jeu. Récemment, j’ai appris le décès d’une jeune femme trans de Sherbrooke. Elle s’est possiblement enlevé la vie à cause de la montée de la haine contre les personnes trans dans le monde, mais aussi au Québec. C’est pour cette raison que je m’implique autant. C’est une question de vie ou de mort.

Comment nos campus pourraient-ils être plus équitables et inclusifs à l’égard de la diversité sexuelle et de genre?

C’est un enjeu auquel on doit s’attaquer sur plusieurs plans. Les membres du personnel enseignant doivent être sensibles à la réalité de cette communauté. Ce n’est pas tant une question de compréhension, mais plutôt d’empathie et de respect. Il n’est pas nécessaire de connaître tout le vocabulaire. Utiliser le prénom choisi par ces personnes, c’est déjà un bon début. Pour ce qui est des installations, on doit offrir des toilettes, des ressources sportives ou d’autres services accommodants envers la population trans et non binaire. Il faut aussi mettre en place des politiques pour s’attaquer aux discriminations. J’ai été relativement chanceuse au cours de mon parcours à l’UdeM, puisque je n’ai pas été victime d’actes de discrimination directe. C’est important de sensibiliser les gens à ces réalités qui, au final, ne sont que des variations de l’expérience humaine.

Comment abattre les barrières qui persistent?

Premièrement, on doit mieux accompagner les personnes trans et non binaires et leur donner des occasions qui ne se présenteraient pas autrement. Trop souvent, elles doivent se contenter d’emplois précaires. On pourrait, par exemple, offrir des bourses aux personnes trans et non binaires pour leur permettre de poursuivre des études. On doit aussi encourager les chaires de recherche se concentrant sur les personnes trans, telles que la Chaire de recherche du Canada sur la recherche partenariale et l’empowerment des jeunes vulnérabilisés de l’École de travail social, dirigée par Annie Pullen Sansfaçon, vice-rectrice associée aux relations avec les Premiers Peuples. Grâce à une combinaison d’intentionnalité et d’inclusion, on peut réduire les iniquités systémiques envers la communauté trans et non binaire. Ce ne devrait pas être uniquement aux personnes concernées de se préoccuper de cette injustice, mais le devoir de tout le monde.