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Université de Montréal

Joëlle Rouleau

J’ai fait mon bac et ma maîtrise au département où j’enseigne maintenant. À l’époque, il y avait un fort mouvement antiféministe et j’avais de la difficulté à m’identifier en tant que lesbienne. Ces mots avaient une connotation négative. J’ai découvert la théorie queer en suivant le cours Cinéma, genre et sexualité – que je donne aujourd’hui. Ç’a été une révélation! C’est ce qui m’a incitée à poursuivre mon parcours à la maîtrise, moi qui n’avais jamais envisagé des études supérieures. Par la suite, mes recherches et mon activisme ont été très liés aux enjeux de la communauté LGBTQ+.

Sur quoi portent vos recherches?

Je viens de terminer une étude sur la question des sensibilités queers. Pourquoi certaines personnes se passionnent-elles pour RuPaul’s Drag Race alors que je suis incapable d'en regarder un épisode? Comment explique-t-on que des gens ont adoré le film Barbie et que d’autres l’ont détesté? C’est quelque chose qui me fascine. Plutôt que de déterminer si une œuvre est une bonne ou une mauvaise représentation de la communauté LGBTQ+, je m’intéresse aux raisons qui font qu’on aime ou pas cette œuvre et ce que cela révèle sur nous. Je travaille aussi à un documentaire expérimental sur ma grand-mère. Elle appartient à une génération de femmes qui a profondément transformé le Québec. Si, à présent, on peut parler de révolution féministe, queer ou trans, c’est aussi grâce à celles qui nous ont précédés et qui ont amorcé ce changement de mentalité.

En quoi vos recherches permettent-elles de mieux comprendre la réalité des personnes de la diversité sexuelle et de genre au Québec?

Je donne un cours sur la représentation de la communauté LGBTQ+ à la télé et, l’an dernier, j’ai dirigé l’ouvrage Télévision queer, un collectif de 11 auteurs et auteures. Il existe très peu de ressources en français sur ces questions et encore moins sur des œuvres québécoises. Pourtant, c’est un sujet qui suscite beaucoup de discussions en ce moment. Ma grand-mère vous dirait : « Il y en a partout des gais à la télé! » Elle n’a pas tort. Pourtant, ces représentations déçoivent. Plutôt que de se donner l’obligation de cocher des cases, on devrait présenter des points de vue diversifiés et des personnages qui sont plus proches de l’être humain que du stéréotype. C’est important. La culture, c’est une langue commune qui permet d’être en relation les uns avec les autres et qui contribue au tissu social.

Comment le corps professoral peut-il être plus inclusif envers la communauté 2SLGBTQIA+?

Ce sont des enjeux complexes qui touchent, de différentes manières, les personnes queers, racisées et celles qui ont un handicap. On partage le même désir d’être vu·e·s, entendu·e·s et reconnu·e·s. Lorsqu’on aborde ces questions, on peut être sur la défensive et ressentir le besoin de justifier nos existences, ce qui est compréhensible. Plutôt que d’avoir une attitude ouverte et bienveillante à notre égard, certaines personnes se sentent attaquées par notre réaction, ce qui envenime la situation. On se braque, d’un côté comme de l’autre, ce qui empêche tout dialogue. En tant que membres du corps professoral, il faut faire une distinction entre la matière qu’on enseigne et le ressenti des groupes face à certains sujets, comme la notion de genre. Plutôt que de tenter de raisonner les personnes plus défavorables, on doit faire un pas vers elles et trouver un terrain d’entente. Je crois que l’Université pourrait faire progresser les mentalités en accompagnant les professeurs et les professeures qui ont plus de réticence à l’égard de ces questions.

Comment les universités peuvent-elles contrer l’homophobie et la transphobie?

La meilleure manière de s’y attaquer, c’est en trouvant des façons de soutenir la recherche qui touche la communauté LGBTQ+. On a vu comment la chaire sur les enfants trans d’Annie Pullen Sansfaçon a fait avancer la cause au Québec. Ce genre de recherche peut transformer la société.