Portrait de chercheur
Opération opéra
Ana Sokolović
FACULTÉ DE MUSIQUE
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en création d’opéra
Directrice artistique de la Société de musique contemporaine du Québec
Plusieurs historiens situent la première représentation d’un opéra en 1607 (Orfeo, de Claudio Monteverdi). Il y a donc plus de 400 ans, et cette œuvre est encore montée régulièrement. Ana Sokolović n’a rien contre, bien entendu. Mais cette passionnée d’opéra souhaiterait que des œuvres contemporaines puissent aussi voir le jour. « Depuis l’invention du cinéma, au début du 20e siècle, l’opéra a arrêté de se développer, explique-t-elle. Quand on regarde dans le passé récent, on ne voit pas d’innovation. » Entre la fin du 19e et le 21e siècle, il y a un vide, dit-elle. Il est temps de le combler.
Pour ce faire, Ana Sokolović soulève plusieurs questions et elle est déterminée à trouver les réponses avec la Chaire de recherche du Canada en création d’opéra. « Quelles sont les connaissances artistiques et technologiques contemporaines capables de faire évoluer cet art, de l’actualiser? On ne peut plus utiliser les mêmes thématiques romantiques qu’aux siècles précédents, souvent misogynes. Ou alors, si on les reprend, elles doivent être pertinentes, en lien avec notre époque. » Comment raconter Orphée aujourd’hui, d’une manière qui reflète les enjeux de notre siècle : changements climatiques, crise des migrants, diversité des genres?
Tout a changé depuis Monteverdi. « Il est désormais possible d’aller au-delà de la scène grâce à la technologie. » Ana Sokolović et son équipe travaillent sur un concept très novateur : cinq opéras de 15 minutes chacun qui seront présentés en réalité virtuelle pendant la saison 2024-2025 de l’Opéra de Montréal. Les gens n’auront qu’à télécharger une application pour assister virtuellement à la représentation sur une tablette électronique ou un téléphone intelligent et à une fraction du prix d’un billet habituel. Démocratiser, modernité, accessibilité : tels sont les mots d’ordre d’Ana Sokolović. « Cela ne signifie pas qu’il faut oublier l’opéra sur les planches, assure-t-elle. Il faudra trouver une façon d’être pertinent au 21e siècle. Peut-être inventerons-nous un nouvel art? »
D’où vient votre passion pour l’opéra?
Je suis née à Belgrade, en Yougoslavie [aujourd’hui la Serbie]. J’ai reçu une éducation artistique solide : quatre années de ballet classique, ensuite piano, théâtre… Beaucoup de théâtre. Au fil des ans, j’ai touché à tout : jeu, costumes, éclairages, mise en scène, musique. Cette connaissance de la scène sous tous ses angles me permet d’avoir une vision globale et théâtrale au service de la forme d’art la plus complète qui soit : l’opéra.
Le Canada, contrairement à l’Italie et à l’Allemagne, n’est pas un pays reconnu pour cette forme d’art. Pourquoi alors y établir une chaire de recherche et de création sur l’opéra?
Ce n’est pas vrai! Les salles sont pleines! Les gens sont curieux. Et à Montréal surtout, il y a une concentration d’artistes unique au monde. Elles et ils figurent parmi les meilleurs metteurs en scène, éclairagistes, costumiers, sans parler de la technologie de scène. Il y a aussi la voix humaine, à ne pas négliger, et il ne manque pas de grandes voix au Québec. Rassembler toutes ces personnes, tous ces talents au service d’un opéra contemporain présenté d’une manière actuelle donnera des résultats fantastiques.
On peut suivre les travaux d’Ana Sokolović en consultant les articles et la revue de presse qui paraissent sur UdeMNouvelles.
Ana Sokolović parle de ses recherches dans cette capsule de la série Bravo Recherche.
La compositrice a participé au deuxième épisode du balado Faire connaissance. Le thème? Être de son temps.