Dang Khoa Nguyen
Le météorologue de l’épilepsie
Dang Khoa Nguyen
FACULTÉ DE MÉDECINE
Professeur titulaire au Département de neurosciences
Chercheur au Centre de recherche du CHUM
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en épilepsie et anatomie fonctionnelle du cerveau
L’épilepsie est l’une des maladies neurologiques les plus fréquentes, touchant environ un pour cent de la population. De plus, le tiers des personnes atteintes ne répond ni aux traitements pharmacologiques ni aux interventions chirurgicales. «Vivre avec l’épilepsie, c’est en quelque sorte vivre avec une épée de Damoclès: imprévisibles, les crises peuvent survenir à tout moment.»
Neurologue spécialisé en épilepsie au CHUM, le Dr Dang Khoa Nguyen consacre ses activités de recherche et de clinique aux épilepsies mal contrôlées afin de mettre au point de nouvelles techniques d’investigation et modalités de traitement.
Au cours de la dernière décennie, le groupe de recherche du Dr Nguyen s’est attaqué à ce problème en explorant des pistes basées sur des avancées en microélectronique et en intelligence artificielle. «En collaboration avec Polytechnique Montréal, nous avons travaillé sur des puces implantables dans le cerveau qui permettaient d’enregistrer l’activité électrique en continu. Grâce à un algorithme qui relevait les changements de fréquence et d’amplitude du signal, la puce était en mesure d’envoyer une alarme au déclenchement d’une crise.» Ce processus de détection est crucial, puisqu’il permet aux patients eux-mêmes ou au personnel soignant d’intervenir rapidement.
Président de la Ligue canadienne contre l’épilepsie, le Dr Nguyen est reconnu sur la scène internationale comme l’un des chefs de file dans son domaine, notamment pour ses recherches sur une forme particulière d’épilepsie dont l’origine se situe dans le cortex insulaire. Ses travaux éclairent notre compréhension du rôle que joue cette zone profonde du cerveau non seulement dans les cas d’épilepsie, mais aussi lors de processus normaux telle la modulation de la douleur. Par ses recherches, Dang Khoa Nguyen nous ouvre une fenêtre sur le monde du cerveau et de ses mystères.
Vous êtes non seulement chercheur, mais aussi neurologue clinicien. Que vous apportent vos patients dans votre travail de chercheur?
Je dirais qu’ils sont à l’origine de deux choses: d’abord, des idées de recherche. C’est en les écoutant et en les observant, en arrivant à connaître la maladie dans tous ses détails qu’on peut formuler des projets de recherche pertinents. Les patients sont ensuite une grande source de motivation. Le fait de constater leurs besoins, d’être témoin de leurs détresses et de leurs souffrances nous pousse à vouloir les aider en faisant avancer les connaissances.
Vos recherches portent beaucoup sur la prédiction des crises. Pourquoi?
L’enjeu, c’est qu’au moment où une crise est détectée… elle est déjà amorcée! On tente donc un gros changement de paradigme et nos études sont concluantes. Au cours des quelque trois ou quatre dernières années, nous avons démontré qu’il est possible de prédire les crises à l’aide d’algorithmes basés sur des techniques d’intelligence artificielle. Ce que font ces algorithmes, c’est cibler dans le signal électrique précédant les crises des éléments invisibles à l’œil nu mais néanmoins prédicteurs de crises. Un peu comme les météorologues qui observent une foule de caractéristiques et qui les combinent pour nous dire le temps qu’il fera demain, en sondant l’activité électrique du cerveau avant la crise épileptique, nous arrivons de manière de plus en plus raffinée à prédire la crise à venir.
Ce qui ne vous empêche pas de travailler sur des voies thérapeutiques autres...
En effet, puisque ce ne sont pas tous les patients qui accepteront de se faire implanter une puce dans le cerveau, aussi évoluées soient nos techniques. Nous poursuivons donc les recherches sur la détection des crises, mais de manière non invasive, sans l’implantation d’électrodes à l’intérieur du crâne ni même sur le cuir chevelu [électroencéphalogramme]. La crise épileptique est une décharge électrique qui entraîne des changements comportementaux et physiologiques mesurables: mouvements, cris, modifications du rythme cardiaque et des mouvements respiratoires. Ce type de données peut nous être fourni par des capteurs miniatures intégrés dans des objets connectés comme des vêtements ou des montres intelligentes. Pour le moment, nous en sommes à utiliser des produits commercialisés, tels des vêtements électroniques conçus pour des athlètes. Nous souhaitons éventuellement élaborer des dispositifs et des algorithmes spécialement pour des patients épileptiques.