Portrait de chercheur
Percer les mystères de Morphée
Julie Carrier
DÉPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE
Chercheuse au Centre d’études avancées en médecine du sommeil du CIUSSS-NIM et au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Directrice scientifique du Réseau canadien sur le sommeil et les rythmes biologiques.
En démontrant que le sommeil joue un rôle crucial dans la santé, autant psychologique que physique, la professeure Julie Carrier s’est imposée comme la figure de proue canadienne d’un champ d’études qui renferme encore bien des secrets. Ses travaux révèlent que la qualité du sommeil chez les personnes âgées de 50 à 60 ans peut prédire certaines maladies associées au vieillissement, comme l’Alzheimer, et bien plus. «Dis-moi comment tu dors et je te dirai ce que sera ton niveau d’obésité et ta santé cardiovasculaire et cognitive dans quelques années », résume-t-elle.
C’est une bourse d’études obtenue au baccalauréat qui l’a propulsé dans ce domaine de recherche, qu’elle n’a plus quitté. « On passe le tiers de notre vie à dormir. Malgré cela, lorsque j’ai commencé mes recherches dans les années 1990, on connaissait peu les mécanismes et les fonctions du sommeil ».
Après un doctorat à l’Université de Montréal, elle décide d’explorer lors de ces études post-doctorales pourquoi la qualité du sommeil se détériore chez les personnes âgées et quelles en sont les conséquences. « Les aînés ont le sommeil plus court, plus léger et ils se réveillent plus souvent. Le sommeil a un effet significatif sur la mémoire et l’apprentissage et nous avons démontré qu’en vieillissant, le cerveau endormi est moins en mesure de mener à bien ce processus. »
En créant le Réseau canadien sur le sommeil et les rythmes biologiques, qui regroupe une soixantaine de chercheurs de 19 universités canadiennes, Julie Carrier a positionné l’Université de Montréal comme un leader mondial en recherche sur le sommeil.
À ce jour, quels impacts ont eu vos travaux de recherche dans la société?
Le sommeil commence à être traité comme un enjeu de santé publique. Nous sensibilisons les gens au fait que bien dormir est tout aussi important que faire de l’exercice physique et de bien s’alimenter, et pas seulement pour les aînés. Les problèmes de vigilance associés au manque de sommeil sont encore plus prévalant chez les jeunes adultes, qui dorment de moins en moins et passent de plus en plus de nuits devant un écran ou avec leurs appareils intelligents.
De quelles façons la communauté médicale intègre-t-elle les découvertes sur le sommeil?
Les patients qui fréquentent l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, où travaille mon équipe de recherche principale, sont chanceux, car ils ont accès aux meilleurs spécialistes. Ce n’est malheureusement pas le cas partout. L’un de nos défis est de faire connaître davantage nos découvertes chez les professionnels de la santé et d’intégrer la nouvelle science du sommeil dans la formation des étudiants en psychologie, en médecine et dans les sciences de la santé.
Comment voyez-vous l’avenir de votre champ de recherche?
Grâce aux nouvelles technologies d’imagerie, nous pouvons voir le sommeil en action. Nous pouvons observer, par exemple, ce qui se passe dans le cerveau de quelqu’un qui dort après une séance d’apprentissage. Nous commençons aussi à mieux comprendre comment le sommeil affecte nos fonctions cardiovasculaires, immunitaires, hormonales. Toutefois, il reste encore à découvrir les mécanismes précis qui permettent au sommeil de réguler ces fonctions. Les prochaines grandes découvertes viendront de la biologie cellulaire et de d’autres domaines de recherche fondamentale.