On l’oublie trop souvent : l’enseignement supérieur au Québec est gratuit à 25 %.
Partout ailleurs en Amérique du Nord, le cursus universitaire de premier cycle est d’une durée de quatre ans. Au Québec, le baccalauréat se fait en trois ans. La dernière année du cégep, qui est gratuite, correspond à la première année des études universitaires ailleurs au Canada et aux États-Unis.
Certains voudraient étendre cette gratuité à l’ensemble des études universitaires. Depuis la déclaration de Jacques Parizeau en faveur de la gratuité à l’université, la twittosphère est entrée en ébullition. On ne compte plus les fiscalistes improvisés qui apportent de l’eau à ce moulin qui tourne à vide depuis les années 60 et le rapport Parent.
Le rapport Parent, parlons-en. « Nous pensons que, pour toute la période de réorganisation de l'enseignement, de scolarisation croissante, d'expansion des services éducatifs, le gouvernement ne peut se permettre d'accorder la gratuité au niveau de l'université, ni se priver ainsi de sommes qu'il pourrait employer utilement pour permettre à des étudiants démunis de faire des études » (je souligne), écrivaient il y a plus de 50 ans les auteurs du document fondateur de l'accessibilité aux études universitaires au Québec.
Imaginez : au plus fort de l’histoire de l’État-providence, alors que le Québec n’a pratiquement pas de dette publique et que tout est possible pour le gouvernement, à une époque où moins de 5 % d’une cohorte accède à l’université et que nos établissements sont de véritables tours d’ivoire qui doivent satisfaire à des besoins somme toute limités, on se résigne à demander aux étudiants à payer des droits qui, en dollars constants, sont 75 % plus élevés qu’aujourd’hui.
Dans l’absolu, nous sommes tous pour la gratuité, moi le premier. Dans la réalité québécoise, elle est inapplicable. Pour l’introduire, il faudrait réformer du tout au tout le réseau de l’enseignement supérieur.
En Finlande, on la pratique, mais seuls 35 % des candidats à l’université sont admis, tandis qu’au Québec, c’est près de 80 % : si on appliquait le modèle finnois, ce n’est pas 27 000 étudiants de plus qu’on devrait accepter chaque année, comme l’affirmait Pierre Fortin, mais bien 50 000 de moins ! En France, l’université est gratuite, mais dans les grandes écoles, qui sont les véritables lieux de formation de l’élite, il faut soit payer plus de 10 000 dollars, soit être au service de l’État pour les cinq années suivant l’obtention du diplôme. En Chine, on vient de renoncer à la gratuité et d’imposer des droits de scolarité de… 1500$, une somme astronomique pour la classe moyenne chinoise.
Bref, la gratuité a un prix. Et en général, c’est l’accessibilité qui, la première, en souffre. Est-ce vraiment le modèle que nous souhaitons pour le Québec ?