Le 31 mars dernier, le Conseil de l’Université a adopté le budget de fonctionnement 2014-2015 de l’UdeM. Je prends quelques minutes de votre temps pour vous en exposer les grandes lignes et les enjeux que représente l’état de nos finances pour le développement de notre communauté.
Un exercice marqué par les compressions
Les temps sont durs pour les universités québécoises, et nous ne prévoyons pas d’embellie pour 2014-2015. L’UdeM affichera, au terme du prochain exercice, un déficit au fond de fonctionnement, de l’ordre de 9 M$. Et à pareille date l’an prochain, notre dette aura augmenté de 5,3 M$, à 151,7 M$.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation, mais le plus déterminant est sans nul doute la reconduction des compressions de 125 M$ annoncées par le gouvernement du Québec en 2012 pour l’ensemble du réseau universitaire. En principe, ces compressions devaient se limiter aux années 2012-2013 et 2013-2014. Québec nous demandait de réduire temporairement nos dépenses, pour mieux réinvestir par la suite. 2014-2015 devait marquer l’an 1 du réinvestissement.
Il y aura bel et bien réinvestissement, mais en ce qui nous concerne, la somme des nouveaux crédits n’excèdera pas le total des compressions exigées. En fait, pour la première fois depuis plus de 15 ans, comme le vice-recteur aux finances et aux infrastructures l’a déjà souligné, la subvention gouvernementale qui nous sera versée l’an prochain sera inférieure à celle de l’année en cours.
La baisse du financement public sera partiellement compensée par l’indexation des droits de scolarité. Mais au bout du compte, nos revenus, toutes sources confondues, seront en baisse. Pourtant, nous prévoyons une hausse de près de 400 étudiants l'an prochain et nos coûts de système augmentent globalement de 12 M$ par année.
Dans ce contexte, nous avons demandé aux facultés et aux services un effort supplémentaire de contrôle des dépenses. Les compressions de l’an dernier seront reconduites et s’y ajouteront une nouvelle série de mesures de réduction et d’atténuation budgétaire, pour un effort global de 15 M$.
Un avenir budgétaire incertain
À plus long terme, la situation demeure incertaine. Nous savons que le réinvestissement gouvernemental ira en augmentant, mais il est loin d’être acquis que cette injection d’argent frais pourra permettre aux universités de se développer. Au train où vont les choses, le réinvestissement nous aidera surtout à payer nos dettes.
L’instabilité budgétaire est le lot de la plupart des organismes publics et parapublics. Mais je pense que nos universités sont particulièrement soumises aux aléas du financement public. En outre, le financement universitaire au Québec est de plus en plus normé, assorti de mécanismes de reddition de comptes qui gagnent en lourdeur.
Il est tout à fait normal que les universités rendent des comptes : elles sont des établissements publics et les contribuables doivent savoir l’usage qui est fait de leurs impôts pour former les générations futures. Mais toutes les études démontrent que plus les universités sont autonomes, plus elles se développent selon les lignes de force qui sont les leurs. L’Université de Montréal n’a pas les mêmes défis que l’Université du Québec à Chicoutimi, qui elle-même est confrontée à des enjeux fort différents de ceux de Concordia.
Le présent budget montre à quel point la question du sous-financement universitaire est devenue critique. Nos gouvernements ne disposent tout simplement plus de marge de manœuvre pour investir dans le réseau. Les universités du Québec affichent l’un des plus faibles taux de croissance des revenus de source gouvernementale par étudiant entre 2005 et 2010. Et la situation s’est certainement dégradée depuis, à la suite des compressions annoncées par Québec en 2012.
L’enseignement universitaire est un enjeu crucial pour l’avenir du Québec. Un enjeu dont, bien étrangement, aucun parti ne parle véritablement dans la campagne électorale en cours. C’est pourquoi il y a deux semaines, mes collègues recteurs des autres universités et moi-même avons, par médias interposés, saisi les chefs des différents partis politiques de la question du financement de nos établissements. Nous estimions d’intérêt public de rappeler qu’un écart de revenu moyen de 5000 $ par étudiant sépare les universités québécoises de leurs homologues des autres provinces. Nous avons demandé aux chefs des partis de s’engager à accorder d’ici 2020 aux universités québécoises un financement équivalent à la moyenne canadienne, quelles que soient les sources de revenus.
Je souhaite vivement que nous soyons entendus des politiciens, mais aussi de la population québécoise dont ils défendent les intérêts. Car si l’éducation est un bien commun, il est dans notre intérêt à toutes et à tous que nos universités puissent grandir sur des bases solides. Sinon, nous en sortirons tous perdants : les étudiants, les professeurs, les universités, mais aussi les hôpitaux, les organismes publics, les entreprises et toute la société québécoise.
Le recteur,
Guy Breton