L’homme était un philanthrope discret. On le savait épris d’art, de culture et de savoir, mais jamais il n’en faisait étalage, pas plus que de sa fortune d’ailleurs. Il a été un visionnaire en présentant la première politique énergétique du Québec. Une politique qui misait sur le développement durable bien avant que le concept devienne incontournable et qui a imposé un moratoire sur la construction de centrales nucléaires au Québec.
Guy Joron, diplômé en science politique de notre université, ancien ministre du gouvernement de René Lévesque et financier avisé, nous a quittés il y a six mois. Au crépuscule de sa vie, il a choisi de faire un don testamentaire à son alma mater, la plus grande université francophone du monde et l’établissement qui pourrait le mieux, selon lui, faire avancer les causes qui lui étaient chères.
Et quel don! Les dons de 15 millions de dollars ne sont peut-être pas si rares en Amérique du Nord, mais ils le sont passablement plus au Québec. Et, lorsqu’il y en a, ils proviennent le plus souvent de fondations ou d’entreprises, elles-mêmes créées par de grands philanthropes.
Guy Joron était profondément convaincu qu’une population éduquée est riche culturellement, socialement et financièrement. Et il voulait que son geste suscite des vocations philanthropiques chez ses contemporains, dans une société qu’on dit souvent, à tort, dépourvue d’une tradition de mécénat.
Au cours de la réception où nous avons célébré ce don, Claude Charron, ancien compagnon d’armes de Guy Joron, a eu ces mots très justes : « Guy Joron a fait un investissement dans l’Université de Montréal, et cet investissement, c’est à vous maintenant de le faire fructifier. C’est à vous de former des êtres libres, qui par le savoir et la connaissance vont être la fierté du Québec et de notre collectivité dans quelques années. […] Apprenez-leur à se tenir debout, droits, fiers, avec le goût d’apprendre, sans jamais avoir la satisfaction d’être au sommet de leur science et vous aurez rentabilisé l’investissement de Guy Joron, vous aurez fait de nos étudiants des héritiers de Guy Joron. »
Ces mots, que M. Charron adressait à nos professeurs, à notre personnel, aux membres de notre communauté, voire à toute notre société, m’ont beaucoup touché. Ils résument admirablement le sens du geste que M. Joron a fait à l’endroit de l’Université de Montréal. Et ils dictent la responsabilité qui maintenant nous incombe et dont nous aurons à être dignes.
Les héritiers de Guy Joron se compteront par milliers.