L’éducation est un des piliers de notre société. Pourtant, au fil des ans, nous avons laissé collectivement nos établissements se dégrader. Ce déclin me préoccupe au plus haut point. Au début, rien n’y paraît. Comme pour les viaducs, les fissures ne sont pas tout de suite visibles. Mais après dix ou quinze ans, les dommages sont indéniables.
Au début de l’été, les médias rapportaient un exemple de fissure dans le monde universitaire. On apprenait que le doctorat de premier cycle de médecine de l'Université McGill est en « probation ». L’organisme canadien qui évalue et certifie la qualité des programmes de médecine à l’échelle du pays a déterminé en effet que celui de notre consœur montréalaise ne satisfait pas à 24 des 132 normes d'agrément exigées. L'établissement a jusqu'en 2017 pour corriger la situation sous peine de perdre son agrément.
L’Université de Montréal est déjà passée par là. Au début des années 2000, notre Faculté de médecine vétérinaire – la seule faculté québécoise – a obtenu un agrément conditionnel de l’American Veterinary Medical Association Council on Education. Il aura fallu une intervention financière d’urgence des gouvernements pour rehausser les installations de notre campus à Saint-Hyacinthe, et donner à notre faculté les outils dont elle avait besoin pour regagner un agrément complet.
On me demande souvent pourquoi je compare la situation budgétaire de nos universités à celle des universités de l’Ontario ou de la Colombie-Britannique. Voilà la raison. Il est possible de délivrer des diplômes à moindre coût : le Québec le fait depuis des années. Mais il n’est pas possible de délivrer des diplômes de qualité équivalente sans une parité minimale avec les ressources que l’on consacre ailleurs pour une formation équivalente.
Les comparaisons pardonnent moins pour les programmes professionnels puisqu’ils sont soumis à l’évaluation d’organismes indépendants canadiens ou nord-américains. Et ces évaluations ne sont pas banales : sans agrément de nos facultés, nos diplômés ne seraient pas autorisés à pratiquer leur profession. Mais le même phénomène s’observe dans les programmes de lettres, ou de sciences humaines et sociales. Là aussi, le manque de ressources tend à dévaluer la formation et, par voie de conséquence, le diplôme.
Soit dit entre nous, l’Université de Montréal dépense aujourd’hui 9 % de plus qu’en 2008 pour former un étudiant. À l’Université de Toronto, c’est 28 % de plus. Et à l’Université de Colombie-Britannique, 50 %!
Peu de gens semblent s’en inquiéter. Moi, oui.
Version française d’une lettre ouverte parue dans Montreal Gazette