L’accessibilité est inscrite dans l’ADN des universités publiques. Et comme toutes les universités sont publiques au Canada – à l’exception de Quest University –, on peut dire que l’accessibilité est une préoccupation commune à l’ensemble des établissements du pays. Elle l’est assurément à l’Université de Montréal, où 27 % des étudiants admis proviennent de quartiers défavorisés.
Dès que l’on évoque la modulation des droits de scolarité en fonction des programmes d’études, plusieurs expriment des inquiétudes sur les effets qu’un tel scénario pourrait avoir sur la représentativité sociale aux études universitaires. Il est vrai qu’il y a modulation et modulation. Aux États-Unis, royaume des droits modulés, la composition sociale des étudiants inscrits dans les grandes universités de recherche privées – la fameuse Ivy League – est assez troublante : comme le rappelle Joseph Stiglitz dans son ouvrage Le prix de l’inégalité, 9 % seulement viennent du quartile inférieur des familles, contre 74 % du quartile supérieur!
Doit-on pour autant disqualifier d’emblée l’approche modulée ? Je ne le pense pas. En fait, tout est une question d’équilibre. S’il y a déséquilibre, il y a barrière à l’entrée. Mais si la grille de modulation est équilibrée, tout indique que l’accessibilité s’en trouve renforcée. Et le Canada offre sur ce point un laboratoire probant d’une approche qui marie modulation et accessibilité.
Dans un rapport rendu public l’an dernier, le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur nous apprenait que non seulement le taux d’accès aux études universitaires est nettement inférieur au Québec que partout ailleurs au pays – nous le savions déjà –, mais aussi, et c’est plus surprenant, que les jeunes de milieux défavorisés fréquentent moins l’université au Québec que dans les autres provinces. Chez les étudiants de famille qui font moins de 25 000 $, le taux de fréquentation est de 18 % au Québec… et de 38,7 % en Ontario. Plus du double!
Ces chiffres démontrent que la modulation des droits de scolarité est loin d’être le barbelé de l’accès aux études supérieures que l’on décrit souvent. Mais surtout, ils prouvent que le modèle québécois d’accessibilité ne fonctionne pas. À l’évidence, on s’illusionne sur l’accès à l’université au Québec.
L’argument courant, depuis le rapport Parent, c’est que les jeunes de milieux pauvres ne fréquentent pas l’université, malgré des droits de scolarité très bas. Ça fait 40 ans que l’on répète ce constat et rien ne change. Alors, posons la question : et si c’était plutôt à cause du gel des droits de scolarité ?
Prochain billet : une proposition.