J’ai exposé dans mes billets précédents 1) qu’en Amérique du Nord, il n’y a qu’au Québec où l’on ne module pas les droits d’entrée à l’université; 2) que l’État québécois lui-même – et, donc, les contribuables – module le financement universitaire en fonction du coût des programmes; 3) qu’en dépit de droits de scolarité nettement inférieurs, le Québec a échoué à rendre ses universités accessibles aux jeunes des milieux défavorisés : ces derniers sont deux fois plus nombreux à fréquenter l’université en Ontario, où pourtant les droits de scolarité sont plus du double des droits exigés au Québec.
Le dernier argument qui plaide en faveur de l’adoption d’une grille de droits de scolarité différenciés, c’est l’équité entre étudiants. Je n’ai jamais compris pourquoi un étudiant en philosophie doit payer l’équivalent de 40 % du coût de sa formation, alors que son camarade de médecine n’en paie que 8 ou 10 %. Il y a là une logique qui m’échappe.
Si le gouvernement devait opter pour des droits de scolarité différenciés selon les disciplines, il est clair qu’il devrait accompagner cette mesure d’une modulation conséquente de l’aide financière aux études. Simple question d’équilibre. Mais ce n’est pas suffisant.
Tous les travaux sérieux sur l’accessibilité aux études concluent qu’aller à l’université, ce n’est pas une affaire de portefeuille, c’est une affaire de culture et de bagage familial. Le grand spécialiste de la question au Canada, Ross Finnie, a même montré qu’il suffit de mettre en place des opérations d’information sur les études universitaires dans les high school des quartiers pauvres pour augmenter significativement le taux de fréquentation.
Ma proposition, c’est qu’on affecte une petite partie des revenus générés par une hausse modulée aux budgets des services de recrutement et de communication des universités. C’est souvent au moment du passage d’un ordre d’enseignement à l’autre (du secondaire au cégep, du cégep à l’université) que l’on perd les jeunes les plus fragiles économiquement. Utilisons une partie de cet argent pour mieux informer les finissants des cégeps de tout ce que peut leur apporter une formation universitaire et des options que leur offre un programme de prêts bourses bonifié. C’est tout le réseau qui en sortira grandi. Et la société québécoise, plus forte.
Évidemment, cette approche suppose un effort supplémentaire de la part des ménages québécois. Mais je rappelle que les Québécois consacrent en moyenne 2,4 % de leur budget à l’éducation postsecondaire : c’est, en proportion, moins que partout ailleurs au Canada, où la moyenne se situe à 4,6 %. Le Québec est la seule juridiction en Amérique du Nord où l’on est prêt à dépenser 4000 $ pour envoyer son enfant au secondaire, mais où l’on ne veut pas payer plus de 2500 $ pour l’envoyer à l’université !
Les Québécois n’ont pas été habitués à débourser pour la formation universitaire. À leur décharge, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’État depuis 50 ans ne les ont pas aidés à comprendre les bénéfices durables d’une formation universitaire. La dépendance est nocive à tout organisme et celle-ci continue de nuire au réseau universitaire. Il est vrai qu’il faut beaucoup de courage politique pour sevrer une société des privilèges que ses gouvernants lui ont concédés de longue date...