Hier midi, nous avons tenu devant la tour de l’Université de Montréal une vigile pour manifester notre solidarité la plus totale avec les peuples français et libanais, qui ont été frappés la semaine dernière par la tragédie.
Les attentats de Paris ont secoué particulièrement les membres de notre communauté, et il est aisé de comprendre pourquoi. Je dis souvent que l’Université de Montréal est la plus française des universités hors de l’Europe. Chaque jour, plus de 7000 étudiants d’origine française fréquentent le campus de l’UdeM et de ses écoles affiliées, HEC Montréal et Polytechnique Montréal. Une bonne proportion de nos professeurs et de nos employés sont d’origine française ou ont étudié en France. Et depuis la fondation de notre établissement, nous nourrissons des liens soutenus de coopération scientifique avec la France.
Seul le temps peut panser les plaies, mais le recueillement est une manière de favoriser la cicatrisation sociale. Et c’est à cette œuvre, essentielle en ces temps tourmentés, que plusieurs centaines de personnes se sont livrées hier, dans le silence d’abord, puis au son d’un ensemble de trombones de notre Faculté de musique.
Devant ce parterre, j’ai rappelé que nous sommes tous victimes des attentats de jeudi et vendredi derniers. Certes, la violence, pour la plupart d’entre nous, se limite aux images choquantes qui défilent en boucle à la télévision. Mais ne nous méprenons pas : nous sommes tous victimes.
Les attentats de Charlie Hebdo attaquaient l’un des fondements de la démocratie : la liberté d’expression. Les attentats de Paris, eux, ont été perpétrés contre la jeunesse, celle des théâtres et des terrasses. Contre ceux qui aiment la vie et la liberté, contre ceux qui aiment les autres dans toute leur diversité. Contre nous.
Ce que ces actes ignobles et lâches ont fauché, ce ne sont pas seulement des vies, ce sont aussi des promesses d’avenir, des amours naissantes, des destinées en devenir, mille projets à réaliser.
Devant une telle violence, on peut se sentir impuissants, et c’est normal. Mais en réalité, nous ne sommes pas impuissants. Nous ne sommes pas impuissants, parce que l’éducation n’est pas impuissante.
Chaque jour, l’école – du primaire à l’université – fait progresser la connaissance. Pas à pas, nous faisons reculer l’ignorance. Et c’est l’ignorance, justement, qui engendre la peur de l’autre, c’est elle qui est le terreau des extrémistes de toutes sortes.
C’est pourquoi la connaissance et l’éducation sont les meilleures armes contre l’extrémisme, quelque forme qu’il puisse prendre. Elles sont les armes les plus efficaces des démocraties modernes.
« Les défis de la démocratie » : c’est d’ailleurs le titre de la première Conférence de la montagne, qui se tient ce soir sur notre campus et qui est ouverte au public. Ce sera l’occasion d’entendre deux grandes voix de la philosophie politique, Charles Taylor et Michael J. Sandel, échanger sur les enjeux du monde contemporain devant la montée du terrorisme.
Comme l’ont écrit les organisateurs de la conférence, la démocratie est peut-être une forme ancienne de gouvernement, mais c’est un régime politique relativement jeune. Et toutes les lumières lui seront bonnes pour vaincre les forces contraires de l’obscurantisme.
Nul doute que nos deux conférenciers de prestige sauront nous éclairer, non pas sur « la » voie à suivre, mais sur la pluralité des voies qui existent et dont s’enrichit l’humanité!