Au cours des derniers mois, le gouvernement du Québec a procédé à une importante réforme de ses programmes et lois en matière d’immigration.
L’une de ces réformes touche directement les universités québécoises : il s’agit du resserrement du Programme de l’expérience québécoise ou PEQ. Ce programme, peu connu en dehors des campus, permet aux étudiantes et étudiants étrangers qui obtiennent leur diplôme d’une université québécoise de bénéficier d’un accès rapide au certificat de sélection du Québec; bref il facilite la rétention au Québec de ces diplômés bien formés, bien intégrés à la société québécoise et prêts à contribuer à son dynamisme.
Les nouvelles règles annoncées la semaine dernière rétablissent le programme qui avait été suspendu…, mais en restreignant considérablement sa portée aux personnes diplômées de certains secteurs jugés prioritaires pour le Québec. Le gouvernement a donc publié une liste de 218 domaines de formation admissibles. Selon cette liste, seule une minorité des étudiants étrangers qui fréquentent l’UdeM serait admissible au PEQ.
Les étudiants se sont montrés choqués et inquiets de ces changements soudains, qui renient une promesse qui leur avait été faite.
En entrevue à la radio, notre professeur Yoshua Bengio, sommité mondiale du domaine de l’intelligence artificielle, s’est dit préoccupé par le message qu’on envoie aux centaines d’étudiants étrangers que son laboratoire, Mila, a pris la peine d’attirer à Montréal. Prenant acte de cette incongruité, le premier ministre, François Legault, a précisé que des changements seraient apportés au PEQ pour que les chercheurs en intelligence artificielle n’en soient pas exclus.
Cette ouverture à revoir le Programme mérite d’être saluée.
J’inviterais le gouvernement, respectueusement, à reconsidérer l’idée même d’une liste de programmes admissibles au PEQ. S’il y a une leçon que nous avons apprise de l’essor phénoménal de l’intelligence artificielle au Québec, c’est l’importance d’un milieu riche et diversifié. Ici, l’intelligence artificielle n’est pas qu’une affaire de programmeurs et de gestionnaires. C’est d’ailleurs la beauté du modèle québécois : des créateurs, juristes, spécialistes en ressources humaines, neurologues, designers, politiciens et bien d’autres encore travaillent ensemble pour faire émerger des entreprises et des organismes à but non lucratif qui constituent le cœur de cet écosystème économique que le monde nous envie.
On parle de l’intelligence artificielle, mais quelques années auparavant, c’étaient les secteurs des jeux vidéos et de la recherche pharmaceutique qui attiraient l’attention et qui sont demeurés des moteurs de l’innovation québécoise. Chaque fois, le succès provient de la richesse d’un écosystème où toutes les spécialités interagissent de façon libre et respectueuse.
On ne sait pas de quoi sera faite la prochaine révolution ni d’où proviendra la prochaine entreprise dont le Québec sera fier.
Ce qu’on sait, par contre, c’est que le Québec aura besoin de tous ses talents.